Les recherches scientifiques sur la réalité virtuelle
Des études préliminaires
Hoffman, dans les années 2000, a fait une découverte prometteuse sur un premier patient, suggérant les bienfaits potentiels de la réalité virtuelle (VR) pour atténuer les douleurs de grands brûlés lors de soins procéduraux. Fort de cette observation, il a approfondi ses recherches et propose à 11 patients de jouer à SnowWorld pendant le changement de leurs pansements. Lors de ce soin, les sujets sont plongés dans un jeu immersif en réalité virtuelle, qui les invite à réaliser des batailles de boules de neige avec des personnages tels que des pingouins.
Pour évaluer l'impact de l'activité sur la douleur des patients, une échelle analogique allant 0 à 10 a été utilisée. Les résultats ont révélé que l'utilisation du jeu en réalité virtuelle permettait aux patients de déclarer une douleur significativement plus faible. De manière notable, la moitié d'entre eux précise une réduction allant jusqu'à 41% de la pire douleur.
"La moitié d’entre eux précise une réduction allant jusqu’à 41% de la pire douleur."
Hoffman, Hunter G., et al. « Virtual Reality Pain Control During Burn Wound Debridement in the Hydrotank ». The Clinical Journal of Pain, vol. 24, no 4, mai 2008, p. 299‑304. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1097/AJP.0b013e318164d2cc
Un impact visible sur le cerveau
Poursuivant leurs recherches, Hoffman et son équipe sont allés au-delà de la diminution de la douleur subjective des patients utilisant des équipements de réalité virtuelle. Ils ont souhaité vérifier l’activité cérébrale en réponse à la douleur en présence ou non de ce distracteur, grâce à plusieurs volontaires sains. Les scientifiques ont mesuré l’activité cérébrale lorsqu’une décharge de chaleur modérément douloureuse a lieu au niveau de la plante des pieds.
Ceci dans plusieurs conditions : un groupe contrôle qui n’a eu aucun analgésiant, un groupe qui a utilisé le jeu de réalité virtuelle interactif de bataille de boule de neige, SnowWorld, un groupe avec uniquement une administration d’opioïde et un dernier groupe qui a reçu les deux méthodes. Dans le groupe témoin, les scientifiques ont ainsi noté comme prévu une activation dans les 5 régions liées à la douleur : cortex cingulaire antérieur (ACC), insula, thalamus, cortex somatosensoriel primaire (SS1) et secondaire (SS2) lors de la stimulation douloureuse. Cependant, les auteurs ont mis en avant une activation significativement moins importante au niveau de l’insula, du SS2 et du thalamus lorsque le sujet était en train de jouer. En parallèle, l’utilisation du casque a permis une diminution de la pire douleur ressentie. Ainsi, l’utilisation de la réalité virtuelle permet en plus de la diminution subjective de la douleur une activité cérébrale moins intense.
Graphique des résultats comparant l'utilisation d'opioïde et la réalité virtuelle
Hoffman, Hunter G., et al. « The Analgesic Effects of Opioids and Immersive Virtual Reality Distraction: Evidence from Subjective and Functional Brain Imaging Assessments ». Anesthesia & Analgesia, vol. 105, no 6, décembre 2007, p. 1776. journals.lww.com, https://doi.org/10.1213/01.ane.0000270205.45146.db
De nombreuses études ont démontré l’efficacité de l’utilisation de la réalité virtuelle pour diminuer la douleur chez les patients. Mais ce n’est qu’un support et le contenu peut être très varié. Ainsi, des chercheurs ont fait appel à 48 individus sains qui ont reçu un stimulus douloureux de chaleur pendant une séance de réalité virtuelle. Dans un cas, les sujets jouent au jeu interactif SnowCanyon en utilisant un système de suivi oculaire. Dans l’autre cas, la séance de réalité virtuelle est passive et correspond uniquement à la vision et à l’exploration de l’univers SnowCanyon. Les essais ont été randomisés et les résultats ont été comparés entre individus. La douleur a été analysée à l’aide d’une échelle d'évaluation graphique allant de 0 à 10. Ainsi, il a été démontré que l’absence de réalité virtuelle pendant la stimulation douloureuse possède des scores de douleur (de la pire douleur à la douleur déplaisante) significativement plus bas par rapport à la réalité virtuelle passive, eux-même significativement plus faible comparés à la réalité virtuelle interactive avec suivi oculaire. En outre, les participants ont déclaré avoir une illusion de présence significativement plus forte dans la réalité virtuelle (« être là »), durant la réalité virtuelle interactive avec suivi oculaire. Cet article conclut donc que l’utilisation de la réalité virtuelle immersive est plus efficace que la réalité virtuelle passive.
Tableau comparatif du score de douleur en fonction du type de VR utilisé
Al-Ghamdi, Najood A., et al. « Virtual Reality Analgesia With Interactive Eye Tracking During Brief Thermal Pain Stimuli: A Randomized Controlled Trial (Crossover Design) ». Frontiers in Human Neuroscience, vol. 13, 2020. Frontiers, https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2019.00467
Une étude a été réalisée sur 40 individus afin de comprendre l’impact de l’utilisation d’un jeu avec un suivi oculaire pour les patients ayant des plaies importantes et subissant des changements de pansements ou de vêtements douloureux. Le jeu consiste à lancer des gâteaux en utilisant ses yeux. Les scientifiques ont étudié différents facteurs socio-démographiques, et médicaux, mais aussi les liens entre la douleur et l’utilisation du jeu. Ils ont ainsi mis en évidence une forte corrélation entre ressentir une douleur intense au quotidien et être changé sans ce divertissement. De même, une corrélation modérée a été démontrée entre la douleur quotidienne et la douleur durant le changement de pansements en parallèle du jeu. Ce qui signifie que le jeu pendant cet acte de soin permettrait aux patients de diminuer leur douleur journalière.
Graphique représentant la corrélation entre douleur quotidienne et douleur aigu pendant le changement de pansement, avec ou sans l'utilisation du jeu
Kitala, Diana, et al. « Eye-Tracked Computer Games as a Method for Pain Perception Alleviation in Chronic Wound Management ». Advances in Dermatology and Allergology/Postępy Dermatologii i Alergologii, vol. 40, nᵒ 2, 2022, p. 283‑90. www.termedia.pl, https://doi.org/10.5114/ada.2022.119970
Une diminution de la durée en soin
Graphique représentant la quantité de sédatif et la durée de séjour en soin, en fonction du groupe contrôle et du groupe utilisant la réalité virtuelle
Des scientifiques ont mis en évidence les bénéfices de l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle dans le cadre hospitalier avec la diminution de la douleur lors de soins procéduraux. Dans cette idée, certains se sont alors posés la question de la possibilité de minimiser les doses de sédatifs dans le cadre d’une chirurgie de la main en anesthésie locale. C’est le cas de A A. Faruki et son équipe qui ont alors comparé la dose nécessaire d’anesthésiant, la douleur et la durée de séjours en unités de soins post-anesthésie pour 40 patients. Ces derniers ont été divisés en deux groupes : un témoin et un groupe ayant accès à des vidéos de réalité virtuelle conçues pour favoriser la relaxation, durant l’opération. Les résultats mettent en avant une réduction significative de la dose préopératoire d’anesthésiant (propofol) et de la durée de séjour en soins post-anesthésiques dans le groupe utilisant la réalité virtuelle (avec 53,0 minutes en moyenne contre 75,0, p = 0,018).
Faruki AA, Nguyen TB, Gasangwa DV, Levy N, Proeschel S, et al. (2022) Virtual reality immersion compared to monitored anesthesia care for hand surgery: A randomized controlled trial. PLOS ONE 17(9): e0272030. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0272030
Diminuer l'anxiété des patients
Outre diminuer la douleur et la quantité d’anesthésiant, la réalité virtuelle permet une relaxation et un calme démontré. Une étude a évalué l'impact de différents dispositifs électroniques de relaxation sur les symptômes stressants courant chez les patients en unités de soins intensifs. Soixante patients ont participé à quatre sessions de relaxation utilisant une conception croisée randomisée : relaxation standard utilisant la TV ou la radio, une séance de musicothérapie et deux systèmes de réalité virtuelle utilisant des images en mouvement réel ou synthétique. Les résultats montrent que la réalité virtuelle synthétique a entraîné une diminution significative du malaise global et de la réponse au stress, avec une diminution significative de l'anxiété et de la douleur. Ainsi, l’utilisation de la réalité virtuelle est prometteuse pour soulager les symptômes de stress chez les patients.
Tableau comparant le niveau d'anxiété entre les différents types de technique de relaxation VR
Merliot-Gailhoustet, Lili, et al. « Discomfort Improvement for Critically Ill Patients Using Electronic Relaxation Devices: Results of the Cross-over Randomized Controlled Trial E-CHOISIR (Electronic-CHOIce of a System for Intensive Care Relaxation) ». Critical Care, vol. 26, no 1, septembre 2022, p. 263. Springer Link, https://doi.org/10.1186/s13054-022-04136-4
"La pire douleur est 1,7 fois moins importante avec la VR active que sans VR, avec une différence de 1,5 points par rapport à l’utilisation de la VR passive."
22 enfants hospitalisés pour cause de brûlures, ont participé à une étude visant à confirmer l’impact de la réalité virtuelle sur la douleur et la rééducation. Ils ont été divisés en deux groupes : un groupe témoin, et un groupe ayant accès à un casque de réalité virtuelle durant les exercices de rééducation. Ce casque permet à l’enfant de s’évader en étant immergé dans la vidéo 3D de leur choix. Il a ensuite été mesuré la douleur à l’aide d’une échelle visuelle analogique comprenant des valeurs allant de 0 à 10. Dans le groupe contrôle, la douleur ressentie ne baisse pas entre avant et après le traitement, contrairement au groupe utilisant la réalité virtuelle, qui montre une diminution de 4.2 points avec un intervalle de confiance de 95%. Il a également été mis en avant une amélioration au niveau de l’amplitude des mouvements uniquement pour le groupe ayant accès à la réalité virtuelle. Cela permet alors de conclure une différence significative entre les groupes sur l’efficacité de la rééducation, favorisant l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle.
Ali, Rania R., et al. « Virtual reality as a pain distractor during physical rehabilitation in pediatric burns ». Burns, vol. 48, no 2, mars 2022, p. 303‑08. ScienceDirect, https://doi.org/10.1016/j.burns.2021.04.031
Près de 80 enfants (de 6 à 14 ans), en bonne santé, ont participé à une expérience mesurant leur niveau d’anxiété et leur seuil de douleur à la pression, en fonction de quatre conditions. La première correspond au témoin, l’enfant sera face au scientifique et n’aura pas d’autre distraction. La deuxième option propose à l’enfant une vidéo d’un safari en 2D présentant des animaux variés. Une troisième condition reprend cette vidéo sous un format 3D et l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle. Pour finir, un jeu de safari en réalité virtuelle interactif, où l’enfant doit prendre en photographie les animaux, est réalisé. Cette étude a ainsi montré un seuil de douleur à la pression plus élevé et une anxiété plus basse pour les enfants lorsqu’ils utilisent un casque de réalité virtuelle.
Graphique des valeurs moyennes PPT et du mYPAS avant et après, selon les quatre interventions avec les lignes verticales indiquant un IC à 95 %.
Kjeldgaard Pedersen, L., et al. « Virtual Reality Increases Pressure Pain Threshold and Lowers Anxiety in Children Compared with Control and Non‐immersive Control—A Randomized, Crossover Trial ». European Journal of Pain, vol. 27, no 7, août 2023, p. 805‑15. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1002/ejp.2108